Christian Montenat, ancien directeur de recherches au CNRS et ancien directeur de l'IGAL (Institut Géologique Albert de Lapparent) est déjà intervenu plusieurs fois à la SAGA, en particulier pour encadrer des sorties de l'Association. Cette conférence est issue d'une brochure qu'il a rédigée pour les étudiants de l'Institut Lasalle Beauvais, il nous présente plusieurs aspects du Beauvaisis, la géologie, le paysage et les ressources naturelles.
![]() Les domaines géologiques du Beauvaisis |
Comme territoire, le Beauvaisis est un pays du Bassin parisien, peuplé du temps des Gaulois par les Bellovaques et pendant des siècles il a été une mosaïque de seigneuries. Sa forme ressemble vaguement à une sorte de papillon, situé entre la Normandie à l'Ouest, l'Oise à l'Est, le Vexin au Sud et la Picardie au Nord. Administrativement, il se situe actuellement dans le département de l'Oise qui a Beauvais comme chef-lieu.
Sur le plan géologique, on peut y distinguer trois domaines : le Pays de Bray, le plateau picard et le pays de Thelle, le Clermontois.
Le Pays de Bray est l'accident tectonique le plus important du Bassin parisien. C'est un anticlinal érodé et dissymétrique, l'axe est de direction NO-SE et le pendage du versant Nord (de l'ordre de 45°) est beaucoup plus accentué que celui du versant Sud. Seule la partie Sud-Est du Pays de Bray appartient au Beauvaisis, l'autre étant normande. Les affleurements les plus anciens, au centre de l'anticlinal sont datés du Jurassique supérieur (Portlandien) et du Crétacé inférieur (Barrémien et Albien). Les bords de l'anticlinal sont du Crétacé supérieur (Turonien). Cet anticlinal ne résulte pas d'une compression transversale mais d'un glissement longitudinal le long d'une faille qui a la même direction NO-SE.
Cet accident géologique a été identifié très tôt par les géologues et il figure dans les premières cartes géologiques du début du XIXe siècle. Au cours de l'histoire, le sous-sol du Pays de Bray a été prospecté plusieurs fois sans résultats concluants : au XVIIIe siècle, on y a cherché du charbon (on espérait y trouver des bancs correspondant à ceux du Nord de la France), puis au XXe siècle, on y a mené des campagnes de forage pour le pétrole. Actuellement un projet de géothermie (creusement d'un puits capable de réchauffer en profondeur un courant d'eau) pourrait voir le jour dans les années prochaines.
![]() Coupe géologique du Beauvaisis (axe Beauvais/Auneuil/Chaumont-en-Vexin/Montjavoult) |
Le plateau picard et le pays de Thelle sont constitués de craie du Crétacé supérieur (Cénomanien, Turonien, Sénonien). Le plateau est parsemé d'un grand nombre de buttes témoin grésifiées. Cette craie est riche en phosphate et certaines carrières, comme à Hardivillers ont été exploitées au XIXe siècle pour le phosphate utilisé comme engrais pour l'agriculture. Une partie importante de la craie a été érodée, ce qui a laissé de grandes quantités de silex que l'on retrouve dans les champs de cette région.
Le Clermontois est la partie tertiaire du Beauvaisis. On y trouve des affleurements depuis la base du Tertiaire (Danien) jusqu'au Lutétien. Laversines est un des stratotypes du Danien (avec Vigny dans le Val d'Oise et Fakse au Danemark). Bracheux a donné son nom à une formation de sables fossilifères du Thanétien.
![]() Epierrage dans le Thelle |
![]() Crue de la vallée sèche de la Brèche en 2001 |
Le Pays de Bray est réputé pour la qualité de ses paturages qui restent verdoyants toute l'année. A titre anecdotique, on peut signaler que la proximité de Paris et la richesse des prairies ont incité un industriel à produire les premiers "petits suisses gervais" dans un village du Pays de Bray.
Les autres paysages caractéristiques de la région sont principalement les cultures céréalières sur le plateau crayeux et les forêts dans le Clermontois.
L'eau est inégalement répartie dans le Beauvaisis et suivant la nature du sous-sol, on trouve :
Une caractéristique du plateau crayeux est la présence de vallées sèches. Ces vallées d'anciens cours d'eau forment des méandres et se jettent dans les cours d'eau actuels. Exceptionnellement, les nappes phréatiques remontent et peuvent alimenter ces vallées sèches pendant un certain temps (exemple de la Brèche en 2001).
![]() Exploitation des argiles panachées du Barrémien |
![]() La maison Boulenger d'Auneuil |
Les principales ressources exploitées dans le Beauvaisis ont été le minerai de fer, l'argile, la tourbe, la pierre à bâtir et le silex.
Le minerai de fer a été exploité depuis le temps des Gaulois jusqu'au XVIe siècle. Le minerai, très pauvre était un grès ferrugineux du Wealdien. Il semble que l'activité sidérurgique ait cessé par manque de bois. A la fin du XVIe siècle, la région ne pouvait fournir la quantité de bois nécessaire aux deux industries les plus consommatrices, la sidérurgie et la poterie céramique. Un arbitrage était nécessaire et il a été fait en faveur des potiers.
Les argiles ont généré une importante industrie de la poterie et de la céramique depuis l'époque romaine. Cette activité, particulièrement florissante au XIXe siècle a périclité au XXe et est réduite de nos jours à une céramique industrielle. Plusieurs variétés d'argile ont été exploitées en fonction des produits fabriqués :
Un bel exemple de la production de cette industrie au XIXe siècle est visible dans la maison Boulenger d'Auneuil. Cet industriel de la céramique a entièrement recouvert cette maison de carreaux produits dans son usine.
Des tourbières ont également été exploitées dans le Beauvaisis, en particulier dans la vallée de la Bresle. La tourbe extraite était riche en pyrite... dont les cristaux ont fait rêver certains exploitants qui les prenaient pour de l'or. Si cette pyrite n'a pas fait des millionnaires, elle a cependant été utilisée et a donné naissance à une industrie de la couperose verte (sulfate de fer), matériau qui entrait dans la fabrication des encres et des teintures.
![]() Carrière de St-Martin-le-Noud |
![]() Cathédrale de Beauvais |
La région du Beauvaisis a fourni plusieurs natures de pierre à bâtir :
Le silex est très présent dans la région et les techniques d'utilisation ont considérablement varié au cours de l'histoire : à la période romane, les silex bruts étaient noyés dans la masse des murs, puis, à partir du XVIe siècle, on a su les tailler et en faire des carreaux jointoyés aux pierres taillées de calcaire.
![]() Fréville (fin XIXe siècle) Utilisation architecturale du silex |
![]() Bouchevillers (Renaissance) Jeu de pierres et de briques |
Le Beauvaisis est traversé par de grandes voies de communication et, si on en connaît le nom, on n'a guère l'habitude de s'y arrêter, faute de temps ou d'intérêt. A travers la géologie, la géographie, l'histoire et beaucoup d'anecdotes, Christian Montenat nous a donné au cours de cette conférence une vision originale de ce pays qui devient intéressant et même surprenant dès que l'on prend le temps de l'observer et de se plonger dans son passé. A nous de retenir cette conclusion et d'en faire bon usage.
Bibliographie et site web recommandés :