Julien Bailleul, Docteur de l'Université de Lille 1 est spécialisé en Géologie sédimentaire et Dynamique de bassins. Il commence la conférence par un rappel sur la tectonique des plaques et les séismes en général, puis aborde le sujet proprement dit de la conférence : la géodynamique de la plaque des Caraïbes et l'évaluation des risques sismiques de cette région du monde.
![]() Les principales plaques tectoniques de la Terre |
La surface de la Terre est divisée en une quinzaine de plaques tectoniques rigides qui se déplacent les unes par rapport aux autres. Les frontières entre ces plaques sont de trois natures différentes :
Les séismes se situent essentiellement aux limites des plaques, en particulier dans les zones de subduction. La ceinture de feu du Pacifique qui borde la plaque Pacifique en est un très bel exemple.
Les séismes de subduction ont des épicentres situés à des profondeurs variables ; on distingue les séismes superficiels (moins de 100 km de profondeur), moyens (vers 200 km) et profonds (de 400 à 600 km de profondeur). Les plus dévastateurs sont souvent les séismes superficiels, comme le montrent deux exemples récents dans le Pacifique :
La subduction des plaques est fréquemment accompagnée de volcanisme engendré par l'accroissement de température de la plaque enfouie. Les volcans se répartissent souvent en deux arcs, l'arc situé du côté de la fosse de subduction étant actif, l'autre, passif. Le phénomène s'explique par le fait que la subduction provoque un retrait du panneau plongeant, d'où une extension de la plaque arrière.
![]() Les Petites Antilles |
![]() Les deux arcs interne et externe |
Le domaine Caraïbes est une plaque tectonique, relativement petite en superficie, et ayant des frontières avec trois autres plaques :
La plaque émerge sous la forme d'îles bordant la mer des Caraïbes ; la Jamaïque, Hispaniola (appelée également Saint-Domingue ou Haïti) et Puerto Rico sont les plus importantes, l'archipel des Petites Antilles, constitué d'un grand nombre d'îles plus petites en fait également partie. Parmi ces îles, plusieurs sont françaises, la Martinique, la Guadeloupe, Saint Martin, Saint-Barthélemy (Saint-Barth) et quelques autres.
Les îles de cet archipel forment en réalité deux arcs :
Le contexte géodynamique des Petites Antilles fait intervenir un double mouvement : à l'Ouest, il y a subduction de la plaque Nord américaine qui plonge sous la plaque des Caraïbes, la vitesse de déplacement étant de l'ordre de 2 cm/an ; au Nord et au Sud, il y a un décrochement sénestre des Petites Antilles par rapport aux plaques voisines.
Finalement, la plaque des Petites Antilles est comme un tiroir que l'on ouvre avec un fond qui va dans le sens contraire.
Ces mouvements tectoniques sont évidemment à l'origine de la sismicité de la région. Nous avons tous en mémoire la catastrophe de 2010 qui a ravagé Port au Prince (Haïti) et fait plusieurs centaines de milliers de victimes. La magnitude du séisme était de 7 et le foyer à 13 km seulement de profondeur. Dans les îles françaises, on peut citer trois exemples moins dramatiques mais qui donnent une idée de la fréquence des séismes dans la région :
Ces trois exemples présentent des caractéristiques différentes : celui de 2004, très superficiel est dû à la déformation de la plaque supérieure, celui de 2007 est dû à la subduction et est de profondeur moyenne et celui de 2011 est également dû à la subduction mais est superficiel.
![]() Sismicité des zones de subduction |
![]() Contexte géodynamique des Petites Antilles |
Dans cette section, Julien Bailleul aborde un autre aspect de son travail dans les Antilles : l'étude des enregistrements sédimentaires des cyclones et tsunamis. Il nous montre des exemples qui donnent une idée de la force de ces événements, puis il nous indique quelques méthodes utilisées pour caractériser ces dépôts très particuliers, par exemple l'étude de leur architecture et la description de la forme des éléments (sphère, disque, baguette).
Les beachrocks constituent des dépôts particulièrement intéressants ; ils sont présents sur beaucoup de plages
et contiennent souvent des coraux. Les cyclones peuvent les arracher et les déplacer, parfois au-delà de la plage, dans l'eau.
Mais il faut reconnaître qu'il est souvent difficile d'établir leur origine qui peut être cyclonique ou tsunamique.
![]() Dalles de beachrocks arrachées et tuilées Terres Basses, Saint Martin |
![]() Cyclone ou tsunami ? |
Améliorer la prévision des séismes est un des ojectifs majeurs des recherches en sismologie. Un axe prometteur est l'analyse des lacunes sismiques, ou seismic gaps. L'idée de base est simple : les plaques tectoniques ont tendance à se déplacer les unes par rapport aux autres à des vitesses relativement constantes ; lorsque le mouvement est bloqué, il y a accumulation de contraintes jusqu'au moment où se produit un déblocage brutal, cause du séisme. L'intensité de celui-ci est d'autant plus élevée que le mouvement a été arrêté longtemps.
Pour une zone sismique donnée, par exemple une zone de subduction comme la côte Pacifique du Chili, la méthode peut être résumée de la manière suivante :
Ces régions correspondent à des portions de faille entre plaques qui n'ont pas joué depuis une période anormalement longue et sont considérées comme les plus dangereuses. Elles ont été cartographiées et les Caraïbes en font partie, d'où l'intérêt que l'on porte à ces recherches.
Nous remercions chaleureusement Julien Bailleul qui a fait preuve de beaucoup de pédagogie et qui, par ses exemples et ses
anecdotes a véritablement passionné l'ensemble des auditeurs.
![]() Carte mondiale des principales lacunes sismiques |