France de Lapparent de Broin est paléontologue et spécialiste des reptiles. Elle connaît particulièrement bien le Sarcosuchus imperator puisque, pour sa thèse, elle étudia un spécimen qu'avait découvert son oncle, Albert Félix de Lapparent. Dans cette conférence, elle nous fait découvrir cette espèce de crocodile disparue il y a 110 Ma : sa découverte, sa description, son mode de vie, la préparation du spécimen exposé au Muséum, sa position dans l'histoire de la vie sur Terre.
En 1946, Albert Félix de Lapparent, un prêtre Sulpicien, géologue et paléontologue, découvre des os et des dents d'un crocodile géant à Aoulef Cheurfa (Algérie) ; il l'appelle Crocodile d'Aoulef. Quelques années plus tard, d'autres restes de crocodiles géants sont trouvés en Tunisie et au Niger (El Rhaz).
France de Lapparent étudie les fragments du spécimen d'Aoulef et y voit une nouvelle espèce. Alors qu'elle va la publier sous un nom faisant référence à Aoulef, une expédition du Commissariat à l'Energie Atomique (qui recherche du minerai d'uranium au Niger) trouve deux crânes de crocodile dans la région de Gadoufaoua.
Le plus beau est rapporté par le Professeur Philippe Taquet et constitue l'holotype de l'espèce qui est publiée à la fois par France de Lapparent et par Philippe Taquet en 1966. France de Lapparent propose alors un nouveau nom (plus général, permettant d'englober le Niger et Aoulef) : Sarcosuchus imperator (grec sarco = chair, suchus = crocodile et latin imperator = empereur).
En 1973, une seconde mission également conduite par le Professeur Taquet, découvre le squelette d'un autre spécimen presque complet dans la même région de Gadoufaoua. C'est le spécimen qui est présenté dans la grande Galerie du Muséum.
Plus récemment, le gisement a livré d'autres restes de l'espèce, découverts par Paul Sereno (Université de Chicago).
Les dimensions du Sarcosuchus du MNHN sont impressionnantes et en font un géant par rapport aux crocodiles actuels : longueur de la gueule = 1,8 mètres, longueur totale de l'animal = 10 mètres, poids de l'animal : entre 2,5 et 4 tonnes. Plus précisément, c'est :
Parmi les crocodiliens, il appartient au grade des mésosuchiens :
La forme des vertèbres et l'anatomie du bouclier donnent au Sarchosucus imperator une plus grande rigidité qu'aux crocodiles actuels.
Dans les mésosuchiens, il fait partie du groupe des pholidosauridés : son museau est long (longirostre), l'avant du museau est en forme de rateau et la mandibule spatulée.
Lorsqu'on observe le squelette, la gueule de l'animal est particulièrement impressionnante : en dehors de sa longueur (1,8 mètres), on est frappé par l'énorme narine bulbeuse, le fort rebord ventral prémaxillaire et le bord festonné du maxillaire.
Les pièces rapportées de Gadoufaoua par le Professeur Taquet étaient noyées dans une gangue de grès. Leur dégagement a commencé en 1999 et une dizaine de personnes de la SAGA y ont participé. Les 186 éléments une fois assemblés, ont constitué une première présentation du fossile, installée en 2000 dans la galerie de Paléontologie du Muséum.
Mais le spécimen n'était pas complet ; les quatre pattes et la queue étaient manquantes. En 2006, une seconde reconstitution a été mise en chantier : ajout des parties manquantes (en résine) aux éléments d'origine et nouveau soclage. Ce montage définitif a été inauguré en janvier 2010.
D'autres reconstitutions de Sarcosuchus ont été faites dans le monde, notamment :
Comme les crocodiles actuels, Sarcosuchus était un animal amphibie, vivant au bord de l'eau et dans l'eau, sous un climat tropical chaud et relativement sec. Il avait des particularités évolutives avancées (coeur cloisonné, bonne ouïe, bonne vue, démarche semi-érigée) et une vie sociale avec protection collective des jeunes.
Comme reptile, c'était un animal à sang froid (poïkilotherme) qui pratiquait le bain de soleil pour réguler sa température et emmagasiner de l'énergie.
Sarcosuchus était un carnivore (il avait 138 dents), d'où son nom. Il se nourrissait de poissons et des animaux qui vivaient dans son milieu (tortues, dinosaures, ptérosaures, crocodiles, lézards et peut-être même oiseaux et mammifères). Comme pour les autres reptiles, ses dents lui servaient à saisir et retenir ses proies ; il ne les mâchait pas.
Sa masse et son bouclier constituaient probablement sa principale défense devant ses concurrents / prédateurs (tels le Dinosaure Cristatusaurus ou le Crocodile Stolokrosuchus) et compensaient son manque d'agilité et sa rigidité.
Le genre Sarcosuchus a vécu au Crétacé inférieur, sur une période relativement brève, une dizaine de millions d'années couvrant le Barrémien et l'Aptien (117-108 Ma).
Il appartient à un groupe de crocodiliens, de grade évolutif mésosuchien, qui se situe entre les Protosuchiens (les crocodiles primitifs, apparus dès le Trias, vers 230 Ma) et les Eusuchiens (qui comprennent les crocodiliens actuels, crocodiles, alligators et gavials).
A ce jour, tous les spécimens de Sarcosuchus ont été trouvés en Afrique (Algérie, Tunisie, Niger) ou au Brésil près de la côte atlantique (région de Bahia).
![]() Le Sarcosuchus imperator dans la galerie du MNHN |
![]() Quelques fragments de Sarcosuchus dans le désert |
![]() Autre découverte dans le désert : une queue de dinosaure |
![]() Dégagement du spécimen du MNHN par la SAGA |
![]() Sites de découverte du Sarcosuchus |