La micropaléontologie

Robert Mathieu, Maître de conférences à Paris VI

Robert Mathieu est un spécialiste de la micropaléontologie à laquelle il a consacré une grande partie de sa vie professionnelle. Dans le catalogue des microfossiles, plusieurs familles importantes (foraminifères, radiolaires et diatomées) ont déjà fait l'objet de conférences spécifiques à la SAGA. Pour l'exposé résumé ci-dessous, Robert Mathieu s'est donc limité aux autres familles, qui pour la plupart sont peu connues des amateurs : calpionelles, ostracodes, coccolithophoridés, algues vertes et rouges, charophytes, conodontes, dinophycées, spores et pollens, chitinozoaires. Il nous donne une idée de la diversité de ces fossiles et des apports de la micropaléontologie aux Sciences de la Terre.

Introduction

Les microfossiles sont les fossiles de petite taille (en général sub-millimétrique) dont l'étude nécessite un appareil optique plus ou moins puissant (loupe binoculaire, microscope optique ou électronique). Au XIXe siècle, les scientifiques se sont d'abord intéressés aux foraminifères, puis aux ostracodes. La micropaléontologie s'est ensuite largement diversifiée au cours du XXe siècle.

Microfossiles calcaires

Les foraminifères ne sont pas détaillés ici puisqu'une conférence entière y a été consacrée il y a quelques mois seulement. Robert Mathieu rappelle tout de même que les milioles sont des foraminifères dont le test participe à la construction du Banc Royal du calcaire lutétien, la roche contenant un milliard de tests par m3.

Les calpionelles sont des protozoaires ciliés qui possèdent une coque calcaire en forme d'amphore. On les trouve dans les sédiments de la Téthys sur une période relativement brève, du Jurassique supérieur (Tithonique supérieur) au Crétacé inférieur (Valanginien).

Les ostracodes sont de petits arthropodes crustacés protégés par une coque bivalve calcaire. Ils apparaissent au Cambrien et il en existe actuellement 10 000 espèces. Ils vivent dans l'eau douce, saumâtre ou salée. La grande variété de leur forme en font de bons fossiles stratigraphiques.
Section d'un ostracode Ostracode (la valve mesure 0,35 mm)
Source : Laboratoire de Micropaléontologie de l'UPMC

Les coccolithophoridés sont des algues planctoniques unicellulaires qui protègent leur cellule sous une coccosphère constituée de plaques de calcite appelées coccolithes. On a estimé qu'un litre d'eau de mer contient 5 milliards de coccolithes. Lorsque l'algue meurt, les coccolithes tombent et, si la mer n'est pas trop profonde, elles forment une boue calcaire. Les belles falaises de craie que l'on peut voir sur les côtes de la Manche ont été formées par ces coccolithes. La craie a été autrefois exploitée activement car elle avait des applications importantes : amendement des terres agricoles, bâton pour écrire au tableau, nettoyage des objets (blanc de Meudon ou blanc d'Espagne).
Section de coccolithophoridé Coccosphère (diamètre 35 microns)
Source : Laboratoire de Micropaléontologie de l'UPMC

Certaines algues vertes, unicellulaires géantes, sont minéralisées et s'entourent d'un manchon calcaire. On en trouve depuis la fin du Primaire surtout dans les milieux récifaux. De même, certaines algues rouges ont un tissu minéralisé (exemple du maerl que l'on observe en Bretagne) et peuvent construire des calcaires (rhodolithes). Ces types d'algue sont des marqueurs stratigraphiques.


Schéma d'une charophyte
Source : University of Aberdeen

Les charophytes sont des végétaux dont les cellules reproductrices et les tiges sont minéralisées en carbonate de calcium. Les graines (gyrogonites) sont susceptibles d'être conservées comme fossiles.

Elles vivent dans les eaux non marines, sont apparues au Jurassique et certaines espèces sont actuelles. On les trouve souvent dans des roches pauvres en fossiles, comme la meulière.

Microfossiles siliceux

Il s'agit des radiolaires et des diatomées, mentionnés ici pour mémoire, étant donné qu'ils ont déjà fait l'objet de conférences spécifiques à la SAGA.

Autres microfossiles

Les conodontes sont de petits éléments en forme de dents constitués de phosphate de calcium. Ils apparaissent au Cambrien et disparaissent au Trias. Ils sont connus depuis le XIXe siècle et ces pièces énigmatiques ont longtemps été prises pour des restes d'annélides. Depuis les années 1980, on pense qu'il s'agit de restes dentaires d'animaux, ancêtres des Vertébrés (Chordés). Leur forme est très variée et, même si notre connaissance sur ces fossiles est encore hypothétique, ils constituent d'excellents indicateurs stratigraphiques du Primaire.
Conodonte (longeur 0,1 mm)
Source : Laboratoire de Micropaléontologie de l'UPMC
Reconstitution hypothétique de l'animal
Source : Tree of Life web project

Les dinophycées sont des algues le plus souvent marines. Elles sont entourées d'une coque chitinoïde dont la morphologie est très variable. Elles sont apparues au Trias et n'ont pas disparu. Lorsqu'elles pullulent, elles provoquent des marées rouges dans les océans. Contenant des substances toxiques pour l'homme, elles peuvent rendre les mollusques impropres à la consommation.

Les pollens sont les gamétophytes mâles des plantes à graines (angiospermes). Ce sont de petits grains entourés d'une matière très résistante qui permet leur conservation. Les spores des fougères ont la même fonction que les pollens. A chaque espèce végétale correspond une forme particulière de pollen ou de spore. Ces microfossiles, issus d'organismes continentaux donnent des informations intéressantes sur l'écologie des milieux, particulièrement pour le Quaternaire.
Dinophycée actuelle
Source : IFREMER
Diversité des formes de pollens
Source : revue Archéologie et Préhistoire, n°4, 1979 (modifié)

Les chitinozoaires constituent un groupe de microfossiles connus de l'Ordovicien au Dévonien. Ils ont des formes variées (urnes, tubes, bouteilles) et sont un bon outil stratigraphique.

Conclusion

Les exemples fournis précédemment donnent une idée de la diversité des microfossiles et du travail nécessaire pour les reconnaître. Du point de vue pratique, ils ont l'avantage de fournir un grand nombre d'informations dans un volume réduit, mais d'autres caractéristiques leur donnent un intérêt certain :

Pour ces raisons, la micropaléontologie a été très utilisée à certaines périodes, jusque dans les années 1980 en recherche pétrolière. De nos jours, elle l'est moins et des techniques récentes l'ont incontestablement reléguée au second plan. Mais cela peut changer ! C'est en tout cas le souhait de tous les amoureux de ces formes de vie qui surprennent par leur diversité et leur beauté.

Bibliographie et sites internet recommandés :