Coraux actuels et fossiles

Jacqueline Macé-Bordy

Jacqueline Macé est une ancienne professeur des Sciences de la Vie et de la Terre passionnée de Paléontologie et Minéralogie. Dans l'exposé résumé ci-dessous, elle commence par décrire les coraux actuels, puis elle parcourt l'évolution des coraux depuis leur apparition sur Terre, il y a plus de 430 millions d'années. Elle indique en particulier les sites français et belges où l'on peut en découvrir et illustre sa présentation d'un grand nombre de photographies de spécimens ramassés au cours de sorties SAGA, provenant de sa propre collection ou de celles d'autres membres de l'association.

Les coraux actuels

Les coraux sont des animaux pluricellulaires, de l'embranchement des Cnidaires, de la classe des Anthozoaires. Pour décrire un corail actuel, on peut prendre comme exemple, Acropora qui est un corail très commun. On y distingue :

Les coraux sont des Cnidaires, comme les méduses et les anémones de mer, ils possèdent des tentacules urticants, les cnidoblastes qui contiennent un appareil venimeux servant à la capture des proies.

Un grand nombre de coraux vivent en symbiose avec des algues, les zooxanthelles, qui leur apportent un complément nutritionnel. Ces algues ont besoin de lumière pour la photosynthèse et les coraux qui les hébergent, dits hermatypiques, ne peuvent vivre qu'à faible profondeur. Les autres coraux, dits ahermatypiques, peuvent vivre en profondeur.

Les coraux forment souvent des colonies, mais certains sont solitaires ; ils ont des formes variées (branchues, en boules, tabulaires, etc.). Ce sont des animaux fragiles, sensibles à de nombreux facteurs :



Coupe longitudinale d'un polype et polypier


Acropora sp.
Notez à droite la loge résultant d'une multiplication par bourgeonnement. Cette photo prise de nuit montre les tentacules
sortis des loges du corail prêts à capturer des proies.


Porites
La couleur verte de ce corail de l'île Maurice est due aux
zooxanthelles logées dans les tissus.

On classe les coraux actuels et fossiles en quatre groupes en fonction du nombre de cloisons des loges.

GroupeNombre de cloisonsExemplesPériode
Octocoralliaires8 x nCorallium rubrumTrias à actuel
Hexacoralliaires6 x nAcropora, IsastreaTrias à actuel
Tétracoralliaires (Rugueux)4 x n, cloisons inégalesHexagonaria hexagona
Calceola sandalina
Ordovicien à Permien
TabulésCloisons absentes ou limitées à des épines, paliers très serrésFavositesOrdovicien à Permien

La plupart des coraux actuels occupent les régions tropicales : Polynésie, Nouvelle Calédonie, Australie, Antilles, Mer Rouge, etc. L'Europe occidentale a connu des conditions relativement voisines à plusieurs périodes de l'histoire de la Terre, ce qui explique que les coraux fossiles ne sont pas rares dans nos régions.

Les coraux du Primaire

Les premiers Tabulés et Tétracoralliaires apparaissent à l'Ordovicien (488 à 443 Ma) et prolifèrent au Silurien (443 à 416 Ma) ; mais les affleurements de cette époque sont relativement rares en France (Cotentin, Massif armoricain, Monts du Minervois, Monts de Lacaune, Pyrénées).

Favosites Gothlandicus
Groupe des Tabulés
Silurien
Ketophyllum sp.
Groupe des Tetracoralliaires
Ile de Gotland, Suède
Silurien supérieur

Au Dévonien moyen et supérieur (386 à 359 Ma), le continent des Vieux Grès Rouges était bordé au Sud par une mer chaude et peu profonde, propice au développement des coraux. De grands récifs affleurent dans le synclinarium de Dinant, au Sud de Charleroi. Certains sites comme les carrières de Wellin et de Beauchâteau à Senzeille (Belgique) ou de Château-Gaillard à Wallers-Trélon (Nord de la France) sont riches en coraux et autres fossiles (stromatopores, brachiopodes, crinoïdes, etc.).
Calceola sandalina
Groupe des Tétracoralliaires
Wellin (Ardennes belges)
Dévonien moyen (Eifelien)
Hexagonaria hexagona
Groupe des Tétracoralliaires
Wallers (Nord)
Dévonien supérieur (Frasnien)
Bioherme à la carrière de "marbre rouge" de Rance
Beauchâteau, Senzeille (Ardennes belges)
Dévonien supérieur (Frasnien)
Thamnopora
Groupe des Tabulés
Dévonien supérieur (Frasnien)

Au Carbonifère, les coraux se raréfient, et à la fin du Permien, la formation de la Pangée fait disparaître une grande partie des plates-formes continentales. La grande crise biologique Permien / Trias fait totalement disparaître les Tétracoralliaires et les Tabulés.

Les coraux du Secondaire

Les Hexacoralliaires, coraux modernes, apparaissent au Trias moyen avec l'arrivée de la photosymbiose et ont proliféré au Jurasique avec la fragmentation de la Pangée et le réchauffement des eaux. Plusieurs sites en France en sont les témoins, par exemple :

Le Crétacé inférieur est pauvre en coraux ; on en retrouve davantage au Crétacé supérieur dans le midi de la France (Bouches du Rhône, Aude, Var, Vaucluse). Il s'agit souvent d'espèces petites et solitaires (Cyclolites ellipticus, Aulosmilia compressa, etc.).
Calamophylliopsis flabellum
Groupe des Hexacoralliaires
Carrière des Rochers du Parc, Mailly-le-Chateau (Yonne)
Jurassique supérieur (Oxfordien)
Montastrea cribaria
Groupe des Hexacoralliaires
Aude
Crétacé supérieur (Turonien)

L'extinction biologique du Crétacé / Tertiaire n'a pas été fatale aux coraux comme celle de la fin du Permien.

Les coraux du Tertiaire

Au Tertiaire, les mers envahissent partiellement et temporairement les bassins bordiers de l'Europe (golfes d'Anvers, de la Loire, de l'Aquitaine, etc.). Au début du Tertiaire, il n'y a pas de récifs coralliens mais des monticules récifaux d'eaux relativement profondes.

Dans les golfes de l'Aquitaine et de la Loire, on trouve des genres de coraux de l'Oligocène (Stampien) et du Miocène (Aquitanien, Burdigalien, Serravallien) qui subsistent actuellement.

Vers la fin du Pliocène (2,5 Ma), les régressions marines et les périodes froides sont responsables de la migration des coraux dans les zones tropicales actuelles.
Acropora
Pléistocène supérieur

Ce récif de l'île Maurice date de la période interglaciaire Riss-Wurm (100 000 ans). Il s'est probablement détaché de l'île suite à un tsunami.

Conclusion

Les coraux, animaux fragiles, sont d'excellents témoins de l'histoire de la Terre. Ils nous renseignent sur le climat et les transgressions / régressions marines, souvent en rapport avec les orogénèses (calédonienne, hercynienne, alpine). Ils sont apparus à l'Ordovicien et ont eu une évolution en dents de scie :