La tribune libre d'aujourd'hui traite de l'ancienne mine de Lapanouse et des minéraux qui ont été formés pendant l'embrasement de ses terrils. Elle résume un travail de P. Gatel, V. Zacek, L. Kruszewski, B. Devouard, V. Thiéry, C. et J.-R. Eytier, G. Favreau, J. Vigier et G. B. Stracher qui a fait l'objet de l'article Combustion Mineralogy and Petrology of Oil-Shale Slags in Lapanouse, Sévérac-le-Château, Aveyron, France: Analogies with Hydrocarbon Fires édité par G. B. Stracher, A. Prakash et E. V. Sokol, copyright © 2015 Elsevier B.V.
 La carrière en 1944 Source Eytier et al., 2004 |
 Le terril Est actuel Source Eytier et al., 2004 |
Au cours de la Seconde Guerre mondiale, des schistes bitumiteux qui affleuraient à Lapanouse (Aveyron) ont fait l'objet d'une exploitation pour les hydrocarbures qui s'est poursuivie jusqu'en 1951. Sur le site, il ne reste aujourd'hui que deux tas de scories, reliques du traitement des hydrocarbures et de leur embrasement qui a duré une dizaine d'années, de 1951 à 1961.
Datés du Toarcien, les schistes minerais sont caractérisés par une composition carbonato-argileuse riche de 12 à 13 % de matière organique. L'analyse de cette dernière montre une origine algaire associée à des corps résineux d'origine terrestre.
La présence simultanée de substances minérales et de reliquats de résidus organiques fossiles a généré de nombreuses espèces minérales lors de l'embrasement des terrils. Plusieurs paragenèses ont été distinguées en rapport avec le contexte plus ou moins réducteur ou oxydant de l'environnement. La température atteinte - révélée par la vitrification des scories - a provoqué une minéralisation dont l'abondance et l'esthétique a suscité la curiosité des découvreurs du site, Christiane et Jean-Robert Eytier (Association Française de Microminéralogie).
Plusieurs études successives ont permis d'identifier l'origine spécifique des espèces rencontrées :
- le pyrométamorphisme pour les trois quarts des espèces, soit à l'occasion de la montée en température de l'embrasement (minéraux progrades), soit lors du refroidissement (espèces rétrogrades) ;
- des altérations météoritiques ultérieures ;
- le minerai initial.
Parmi les autres conclusions, on pourra retenir les points suivants :
- la plupart des minéraux de ces terrils embrasés se retrouvent dans des sites naturels réunissant bitumes ou charbons au sein d'encaissants carbonato-argileux ou, également, en pourtour ou au sein de xénolites de roches volcaniques ;
- ces similitudes de minéralisation entre sites naturels ou anthropiques sont parfois déroutantes lorsqu'il s'agit d'en trouver l'origine ;
- des sites de terrils embrasés étudiés systématiquement révélent parfois de nombreux composés nouveaux. On peut par exemple citer le site de Chelyabinsk avec plus de cinquante espèces encore non reconnues par l'IMA (International Mineralogical Association). Il arrive que plusieurs de ces composés inconnus, jugés « artificiels » soient ensuite rencontrés dans la nature.
 Minerai riche en fluorapatite Source Gatel 2012 |
 Minerai riche en fer et rankinite Source Gatel 2012 |
L'intérêt d'un site comme Lapanouse est multiple. Les professionnels chercheurs peuvent simuler artificiellement l'évolution thermique de roches mères et étudier la genèse des espèces minérales progrades/rétrogrades. Ils peuvent ainsi définir par analogie leurs conditions de formation en milieu naturel. Il est également intéressant pour des industriels désirant valoriser des scories (dépollution des eaux acides polluées par l'acide sulfurique formé au sein d'anciens sites miniers par réaction de sulfures en présence d'eau et d'oxygène) ou des minéraux de scories (composants des ciments). Enfin, n'oublions pas les amateurs collectionneurs de microminéraux ou simplement curieux.
