Pierre Gatel s'intéresse particulièrement à la microminéralogie dans laquelle il trouve davantage de variété que dans la minéralogie classique. L'exposé qu'il a donné à la SAGA est une présentation synthétique d'un article qu'il va prochainement publier dans le bulletin de l'Association Française de Microminéralogie.
Lapanouse de Séverac est une petite commune de l'Aveyron située à une quarantaine de kilomètres au Nord de Millau. Pendant la Seconde Guerre Mondiale et jusqu'au début des années 1950, on y a exploité une carrière de schistes bitumineux. Le matériau était traité par pyrolyse et en bout de chaîne, on obtenait une huile lourde destinée au raffinage (rendement = 42 kg d'huile par tonne de schiste). De l'ensemble de l'exploitation, ne restent aujourd'hui qu'un lac artificiel à la place de la carrière, et deux grands terrils, Est et Ouest.
Le schiste plaquette qui était exploité date du Toarcien (183-175 Ma). Sa composition est la suivante : calcaire 31%, argile 29%, quartz 13%, gypse 7%, pyrite 2%, matière organique 14%, divers 4%. La matière organique est un kérogène d'origine essentiellement algaire.
Il y a une dizaine d'années, Christiane et Jean-Robert Eytier ont commencé à s'intéresser aux minéraux des terrils de Lapanouse. On y a identifié une quarantaine d'espèces : les quelques minéraux de la roche mère (calcite, gypse, etc.) et un bien plus grand nombre de minéraux dérivés, essentiellement des silicates, oxydes et sulfures, tels la portlandite, la cuspidine, la bazhenovite, l'esseneite, la perovskite, etc. Cette variété minéralogique résultant d'un nombre limité de minéraux du protolithe peut se comprendre si l'on considère que les matériaux des terrils ont subi des phases prograde et rétrograde (respectivement augmentation et diminution de température) dans un double processus :
Les minéraux de Lapanouse sont artificiels puisqu'ils résultent d'un embrasement naturel intervenu après un processus industriel. Cependant il est intéressant de noter que 90% d'entre eux sont présents dans deux formations naturelles à caractère pyrométamorphique :
Seules deux espèces de Lapanouse n'ont à ce jour jamais encore été identifiées en milieu naturel, grandifferite et malachovite, trouvées uniquement dans les scories des terrils embrasés de Tcheliabinsk (Oural). On dénombre dans ce dernier site plus de vingt espèces "artificielles" donc non reconnues par l'IMA, mais qui pourraient être rencontrées dans d'autres sites naturels ou artificiels.
En conclusion, Pierre Gatel revient sur la difficulté de différencier minéraux artificiels et naturels, souligne la richesse des microminéraux des terrils et l'intérêt qu'il y a à les explorer car, pense-t-il, un grand nombre d'espèces reste probablement à découvrir.
Si vous souhaitez mieux connaître les microminéraux, vous pouvez consulter le site internet de l'Association Française de Microminéralogie.
![]() Bazhenovite (terril Est) Source AFM, C. et JR. Eytier, G. Favreau |
![]() Wollastonite et grenat (terril Ouest) Source AFM, C. et JR. Eytier |
![]() Fluorapatite (terril Ouest) Source AFM, C. et JR. Eytier |