Un aperçu sur l'évolution des végétaux des Algues aux Gymnospermes

Jacques Vallée

« Herbes folles, jeunes pousses et vieilles branches » est le thème de la Fête de la Nature 2014, et dans ce cadre général, la SAGA a choisi de présenter un stand sur « Comment les fossiles racontent l'histoire des plantes ? ». Pour des raisons pratiques, l'exposé d'aujourd'hui est limité à une partie de cette histoire, allant des premiers temps de la vie sur Terre jusqu'au Crétacé. Pendant cette longue période, plusieurs familles ont dominé la flore, essentiellement les algues, les fougères et les Gymnospermes. Pour compléter l'exposé, une séance des Entretiens de Paléontologie sera prochainement consacrée aux Angiospermes.

Un bref rappel sur les végétaux

La photosynthèse est sans doute le premier caractère qui différencie les végétaux des autres êtres vivants. C'est la capacité de synthétiser des glucides à partir du gaz carbonique de l'air en utilisant l'énergie solaire :

6 CO2 + 6 H2O + énergie solaire --> C6H12O6 (glucose) + 6 O2

La réaction s'effectue dans les chloroplastes ; la chlorophylle sert de capteur photoélectrique et donne la couleur verte à la plupart des végétaux. Les sucres synthétisés sont dissous dans la sève élaborée qui est distribuée dans la plante par des tissus conducteurs (phloème). Si les végétaux sont autotrophes vis à vis du carbone, ils ne le sont pas vis à vis d'autres éléments tels l'azote ou le phosphore. Ces éléments sont puisés dans le sol et présents dans la sève brute distribuée par d'autres tissus conducteurs (xylème). Notons que les champignons sont hétérotrophes et ne sont pas des végétaux au sens propre, il en est de même des lichens qui sont des symbioses d'algues et de champignons.

Les végétaux n'atteignent pas le niveau de différentiation des animaux mais cela ne veut pas dire qu'ils n'en ont aucune :

Un grand nombre de végétaux ont la capacité de reproduction asexuée ou végétative. Ce mode de reproduction est un clonage, processus qui peut se faire naturellement (exemples : plantes à tiges rampantes, à bulbe, ou à tubercules) ou avec l'intervention de l'homme (exemples : bouturage, greffe). Seule la reproduction sexuée, faisant intervenir deux individus, mâle et femelle, se traduit par un brassage génétique. Les cycles de développement qui décrivent ce processus de reproduction sont caractérisés par l'alternance des générations entre individus diploïdes (à 2 n chromosomes) et haploïdes (à n chromosomes) :

L'importance des deux phases est très inégale en fonction des familles de plantes : la phase haploïde est dominante pour les mousses, elle est mineure pour les fougères et encore plus réduite pour les Spermatophytes (leurs gamétophytes ne contiennent que quelques cellules). Pour les végétaux terrestres et immobiles, le processus inclut une phase de dispersion mais les éléments dispersés ne sont pas toujours les mêmes :





Succession des grands groupes végétaux
Source : Aline Raynal-Roques, La botanique redécouverte, 1994


Colonisation des continents par les végétaux
Source : Willis et McElwain, Oxford University Press

Les tendances évolutives des végétaux

Il est difficile de présenter l'évolution des végétaux dans un arbre phylogénétique, mais on peut donner quelques directions qui ont caractérisé cette évolution :

Une manière de résumer l'évolution des végétaux dans les temps géologiques est de considérer quatre grands ensembles, bactéries et algues, fougères, Gymnospermes et Angiospermes qui ont chacun, tour à tour, dominé le monde végétal avant de régresser - sauf le dernier, celui des Angiospermes, qui avec 250 000 espèces constitue la très grande majorité des végétaux actuels.



~ 3,4 Ga - Pilbara Craton (Australie)
Source : Musée de Toulouse, Wikimedia Commons


Actuel - Shark Bay (Australie)
Source : Wikimedia Commons
Stromatolites fossiles et actuels

Le temps des bactéries et des algues

Il recouvre les 3/4 de l'âge de la Terre et correspond à la période où la vie végétale était uniquement aquatique, c'est-à-dire avant le Silurien.

Les Cyanobactéries, appelées autrefois algues bleues, sont des eubactéries autotrophes, capables de piéger des sédiments et d'édifier des constructions calcaires appelées stromatolites. Les plus anciennes sont datées de 3,4 Ga et leur extension a été maximale au Protérozoïque ; étant photosynthétiques, elles ont eu un rôle majeur dans la formation de l'oxygène atmosphérique. On en trouve actuellement dans quelques niches spécifiques comme Shark Bay en Australie.

Les « algues » constituent un groupe très varié qui n'a plus actuellement de signification sur le plan systématique. Elles représentent des eucaryotes, monocellulaires (exemples : les Diatomées et les Coccolithophoridées, à l'origine de la diatomite et de la craie) ou pluricellulaires (exemples : les algues vertes, rouges, ou brunes).

Des fossiles d'algues datent du Précambrien et leur ressemblance avec des algues actuelles donne des indications sur les premières étapes de la vie végétale. Exemples de tels fossiles et de leur localisation :

Une famille d'algues vertes, les Charophytes (toujours représentées actuellement) semble avoir donné naissance aux végétaux terrestres qui constitueraient un groupe monophylétique.



Cooksonia
Source : Université de Liège


Rhynia major
Source : Université de Hambourg

La conquête des terres émergées

Nous n'avons que très peu de traces des tout premiers végétaux terrestres qui étaient probablement des mousses et des lichens ; le plus ancien végétal terrestre connu à ce jour est Cooksonia, une petite plante aux tiges dichotomiques, découverte au Pays de Galle et datée de 425 Ma. Mais c'est le site de Rhynie (Ecosse) qui a fourni la plus belle flore des « premiers végétaux », particulièrement bien conservée dans des cherts datés de 415 Ma.

Ces plantes sont apparues au Silurien et se sont diversifiées au Dévonien ; on les regroupe dans plusieurs familles (Rhyniophytes, Zostérophyllophytes et Trimérophytes) correspondant à un accroissement de leur taille et à une morphologie de plus en plus complexe. Actuellement, elles ne sont représentées que par deux genres, Psilotum et Tmesipteris. Elles correspondent à l'invention de la tige aérienne et des rhizomes (tiges souterraines). La tige porte au sommet des sporanges qui produisent les cellules reproductrices (spores) mais elle ne dépasse pas quelques dizaines de centimètres et la reproduction reste tributaire du milieu aquatique.



Silurien (~ 420 Ma)
Source : Institut Français de l'Education


Carbonifère (~ 320 Ma)
Source : Les îles du temps, éditions Le Pommier
Deux reconstitutions de paysage du Paléozoïque à 100 millions d'années d'intervalle

Le temps des fougères

Une des périodes les plus brillantes de l'histoire des végétaux se situe à la fin de l'ère Primaire, du Carbonifère au Permien et est à l'origine des grands gisements de charbon. Cette flore est le résultat de plusieurs innovations importantes (vaisseaux conducteurs des sèves, troncs, feuilles et racines) qui ont permis aux végétaux d'atteindre des hauteurs de l'ordre d'une trentaine de mètres. On y trouve principalement des Ptéridophytes : Lycophytes, Sphénophytes, Filicophytes (fougères stricto sensu), Ptéridospermatophytes (fougères à ovules) et Cordaites. Toutes ces familles ont pratiquement disparu sauf les Filicophytes.

Les Lycophytes actuelles sont des petites plantes herbacées microphylles, elles représentent 1 200 espèces réparties en trois familles : les Lycopodes, les Sélaginelles et les Isoètes. Mais ce groupe a produit au Carbonifère de grandes fougères arborescentes comme Lepidodendron et Sigillaria. Ces arbres vivaient en milieu marécageux, avaient d'impressionnantes racines (Stigmaria) et leurs feuilles étaient regroupées au sommet du tronc. Les traces des feuilles sur le tronc sont les signes les plus caractéristiques de ces fossiles.



Feuille de fougère
Source : Wikimedia Commons


Ecorce de Lepidodendron
Source : Wikimedia Commons


Ecorce de Calamites
Source : Université de La Corogne


Ecorce de Sigillaria
Source : Université de La Corogne

Les Sphénophytes actuelles sont les prêles représentées par une vingtaine d'espèces. Ces plantes herbacées vivent en milieu humide, possèdent des rhizomes, leurs tiges sont articulées et leurs feuilles sont très petites. Ces végétaux sont les descendants d'une famille qui était beaucoup plus diversifiée au Carbonifère comme le montre notamment l'abondance du genre Calamites. Comme les prêles actuelles, les Calamites avaient des tiges articulées et des feuilles verticillées, mais elles pouvaient atteindre une dizaine de mètres de hauteur.

Les Filicophytes sont les fougères stricto senso. Cette famille regroupe 12 000 espèces actuelles, certaines sont très communes dans nos régions, d'autres comme les fougères arborescentes ne vivent qu'en milieu tropical. Les premières fougères datent du Dévonien et avaient des formes variées, arbustive, buissonnante ou herbacée. Psaronius était une fougère arborescente du Dévonien moyen, d'une dizaine de mètres de hauteur avec de grandes feuilles au sommet du tronc. Archaeopteris était une autre fougère arborescente du Dévonien ; elle avait un port d'arbre, pouvait atteindre une trentaine de mètres de hauteur et vivait probablement dans des zones bien drainées. La structure du tronc était voisine de celle des conifères, ce qui en fait le plus ancien arbre connu.

Les fougères à ovules regroupent une grande variété de végétaux ayant une allure de fougère et se reproduisant en disséminant des ovules et non des spores. Mais, contrairement aux Spermatophytes, elles ne produisent pas de vraies graines avec un embryon et des matières nutritives. C'est une innovation importante de l'évolution qui a amélioré le processus de reproduction et qui a été reprise par la majorité des plantes terrestres. Cependant, pour les fougères, l'innovation a avorté et le groupe s'est éteint à la fin de l'ère Primaire. Nous mentionnons ci-dessous deux exemples de ces plantes :

Les Cordaites sont une famille de Gymnospermes éteinte à la fin du Permien. Ces arbres mesuraient jusqu'à une trentaine de mètres de hauteur et occupaient des terrains variés, humides ou secs. Il est possible qu'ils soient les ancêtres des Conifères.



Feuille de Glossopteris
Source : Wikimedia Commons


Reconstitution de cônes de fougères à ovules
Source : Natuurinformatie


Reconstitution d' Archaeopteris
Source : Palaeos


Feuille de Cordaite
Source : Wikimedia Commons

Le temps des Gymnospermes

Comme leur nom l'indique, les Gymnospermes sont les Spermatophytes à graines nues, c'est-à-dire ne produisant pas de fruit. Actuellement, ils regroupent quatre familles :

Au cours des temps géologiques, les Gymnospermes ont été beaucoup plus variés qu'actuellement : ils sont apparus au Carbonifère, se sont diversifié au Trias et Jurassique, puis ont décliné à partir du Crétacé, laissant la place aux Angiospermes :





Cône d'Araucaria, Crétacé
Source : Photo JL Fromont, Galerie MNHN


Feuille de Conifère, Permien
Source : Photo JL Fromont, Galerie MNHN


Feuilles de Ginkgophyte, Jurassique
Source : Wikimedia Commons


Welwitschia mirabilis, actuel
Source : Wikimedia Commons

Conclusion

Ce rapide survol de l'évolution des végétaux est très simplificateur, mais on peut tout de même essayer d'en tirer quelques remarques pour conclure :

Rendez-vous à la prochaine séance des Entretiens de Paléontologie pour aborder l'apparition et l'essor de ces Angiospermes qui était qualifié d' « abominable mystère » par Darwin.

Bibliographie et sites web recommandés

Pour aller plus loin :