Fête de la Nature 2022

A la mémoire de Jean-Pierre Malfay.

En 2022, Jean-Pierre Malfay a proposé « Les faluns de Touraine » comme thème de la Fête de la Nature. Déjà en 2020, puis encore en 2021, il avait proposé ce sujet mais l'épidémie de COVID n'avait pas permis que la Fête de la Nature ait lieu. Il tenait à ce sujet qui a été l'un de ses principaux thèmes d'étude dans sa vie de paléontologue. Il le connaissait particulièrement bien d'autant qu'il avait organisé et guidé plusieurs excursions géologiques en Touraine pour la SAGA. Il souhaitait vraiment traiter ce sujet avant de « se mettre en retrait » de la Fête de la Nature pour s'occuper davantage de ses collections. Comment imaginer que ce serait vraiment sa dernière Fête de la Nature ?

Figure 1. Jean-Pierre Malfay dans l'un de ses rôles favoris : partager ses connaissances avec le public.
Photo D. Pérès.

Au Miocène moyen (entre - 16 et - 5 à 6 millions d'années), la mer venant de l'océan Atlantique a envahi une partie du Massif armoricain et le nord du bassin de la Loire. Elle s'étendait au nord de la Vendée, sur la Bretagne orientale, la partie centrale du Cotentin, l'Anjou, la Touraine et le Blésois (figure 2). Plus précisément, durant cette période, on peut reconnaître trois grandes avancées successives de la mer.

Figure 2. À gauche, carte de l'extension maximale des faluns de Touraine.
En italique, noms des principaux gisements.
À droite, log stratigraphique, Miocène de la région de Noyant/Savigné, en Touraine.

Cette mer a déposé des sédiments appelés « faluns ». Un falun est une roche sédimentaire formée de très nombreux débris de coquilles (lamellibranches, gastéropodes, etc.), parfois entières ou plus ou moins brisées, et d'une matrice sableuse ou argilo-sableuse. Cette roche contient également beaucoup d'autres restes d'origine biologique : bryozoaires, oursins, coraux, restes de vertébrés marins (et même terrestres), etc. Cette roche peut être plus ou moins consolidée. Elle peut former un calcaire compact après une cimentation argilo-siliceuse fine, mais reste généralement une roche meuble et friable (figure 3).

Figure 3. À gauche, falun du bassin de Savigné/Noyant. Faciès savignéen.
Sur cet échantillon, on reconnaît : des polypiers et bryozoaires en association,
des bryozoaires dont Hornea (forme branchue en éventail) et des mollusques entiers et en fragments.
Échantillon et photo : A. Cornée.
À droite, faciès pontilévien de la carrière de Saint Laurent-de-Lin (37).
Échantillon J. Juchet. Photo A. Cornée.

Du point de vue sédimentologique, il s'agit de dépôts peu épais (de 5 à 10 m dans le bassin de Savigné), montrant souvent des stratifications obliques qui indiquent de forts courants.

On a coutume de distinguer deux faciès principaux :

Les fossiles des faluns sont à la fois abondants et variés.

Dans le faciès savignéen, correspondant à la pleine mer, on trouve un grand nombre de bryozoaires, des oursins, ainsi que des mollusques (huîtres et pectinidés) à coquille en calcite (CaCO3, une des formes de cristallisation du calcaire). Les coquilles en aragonite (autre forme de cristallisation du calcaire) ou en calcite/aragonite des autres mollusques ont été dissoutes. Mais on retrouve parfois leurs moules internes ou externes.

C'est dans le faciès pontilévien, correspondant à une mer plus littorale, que les fossiles sont les plus variés. Les bryozoaires y sont quasiment absents mais, par contre, les mollusques ont abondants et bien conservés. On y trouve également des coraux caractéristiques d'un milieu peu profond et chaud.

Les restes de vertébrés peuvent se rencontrer dans tous les types de dépôts. Les dents de requins, de raies et de poissons osseux ont été trouvées en grande quantité, notamment dans la région de Savigné-sur-Lathan.

Dans l'atelier préparé pour la Fête de la Nature, seuls quelques groupes de fossiles marins ont été choisis pour illustrer la faune des faluns : poissons osseux ; poissons cartilagineux ; cétacés à dents ; mollusques et coraux.

==> Les poissons « osseux »

Malgré leur squelette osseux, ils sont connus surtout par des dents, mais aussi des épines ou quelques vertèbres (figure 4). Ils appartiennent à des familles dont les représentants actuels se trouvent en milieu tropical ou méditerranéen : dorades, sargues, etc.

Figure 4. Une des vitrines présentant les poissons osseux.
En haut, schémas des homologues actuels.
En bas, les restes fossiles trouvés dans les faluns (dents).
Photo A. Cornée.

==> Les requins et raies

La mer des faluns était peuplée par plusieurs dizaines d'espèces de requins et de raies (chondrichtyens). Ce sont des poissons dits « cartilagineux » ; seules leurs parties dures se conservent, notamment les dents dont la morphologie permet de déterminer le régime alimentaire de ces animaux. Les requins étaient carnivores, tandis que les palais broyeurs des raies permettent de dire qu'elles consommaient plutôt des coquillages, des crustacés, etc. Dans les faluns, on trouve le fameux Otodus (Megaselachus) megalodon. Il n'y a pas d'espèce actuelle homologue de celui qui fut le plus grand requin ayant existé sur Terre. Il pouvait mesurer jusqu'à 15 m de long.

Figure 5. Vitrine des raies et requins, dont le fameux Megalodon.
Photo A. Cornée.

==> Les cétacés à dents

Dans les faluns d'Anjou-Touraine, les restes de cétacés (mammifères marins) sont peu nombreux, mais ils correspondent à une grande diversité d'espèces.

Les squelettes de cétacés sont très fragiles et sont rapidement détruits dans les milieux marins très agités, comme l'était la mer des faluns. Les seuls éléments fossiles bien conservés sont les dents et les « cétolithes », composés par la bulle tympanique et l'os pétreux (rocher). Quelques exemples des formes trouvées dans les faluns et de leurs représentants actuels ont été présentés (figure 6) : dauphins, marsouins, cachelot (mais l'espèce des faluns était beaucoup plus petite que le grand cachalot actuel).

Figure 6. Une des vitrines des cétacés.
Schémas des homologues actuels et rochers et dents fossiles.
Photo A. Cornée.

==> Les mollusques

Les faluns sont très riches en coquilles de mollusques, bivalves et gastéropodes, très diversifiés. Ces coquillages qui vivaient dans la mer des faluns ont des descendants ou des homologues actuels qui vivent dans les mers tropicales.

Une vitrine (figure 7) présentait en parallèle les mollusques fossiles des faluns et leurs homologues actuels. Ainsi, la comparaison entre les faunes fossiles et les faunes actuelles peut fournir des indications sur les climats des époques passées.

Figure 7. Mollusques des faluns et leurs homologues actuels.
Photo A. Cornée.

==> Les coraux

Les coraux sont constitués de polypes qui secrètent un exosquelette en calcaire qui peut facilement se fossiliser. Dans la mer des faluns, les coraux sont représentés par des hexacoralliaires (à six cloisons ou un multiple de six). Les hexacoralliaires se divisent en 2 groupes :

Les coraux sont de très bons marqueurs paléoécologiques. Ils indiquent :



Figure 8. Quelques coraux hexacoralliaires des faluns.
Photo A. Cornée.

Paléoécologie

L'étude des dépôts laissés par la mer des faluns et l'étude des fossiles qu'ils contiennent permettent de reconstituer le milieu marin au Miocène, dans le Val de Loire (figure 9). Tous ces fossiles indiquent que le falun s'est déposé dans une mer épicontinentale, profonde d'une cinquantaine de mètres au maximum, sous un climat à tendance tropicale, comparable à celui de la mer des Antilles actuelle.

Panneaux explicatifs, cartes, échantillons de fossiles marins ont illustré notre animation (figure 10, à gauche).

Les panneaux présentaient la stratigraphie et la paléogéographie de la mer des faluns il y a 16 Ma, ainsi que les animaux marins caractéristiques de cette période. Dans les vitrines étaient exposés des échantillons de fossiles d'organismes ayant peuplé la mer des faluns, en faisant une comparaison avec les organismes des mers actuelles.

Pour les plus petits, mais aussi les plus grands, un jeu avait été préparé : un memory basé sur les fossiles des faluns (figure 10, à droite).

Figure 9. Faune de la mer des faluns, au Miocène.
Reconstitution présentée dans l'exposition « Faërie du Blésois » au Muséum d'Histoire naturelle de Blois, en 2022.
Photo A. Cornée.


Figure 10. À gauche, aperçu de l'atelier avec Christine Auclair qui renseigne des visiteurs.
Photo A. Cornée.
À droite, des enfants autour du jeu : on voit bien les deux versions proposées.
Photo J.-L. Fromont.

Pour aller plus loin

La bibliographie concernant les faluns de Touraine est extrêmement abondante et il serait difficile de faire des choix. Nous citerons seulement l'ouvrage ci-dessous, tout récent et synthétique, qui accompagnait l'exposition « Au temps des faluns », qui s'était tenue du 19 mai 2021 au 20 février 2022 au musée des Beaux-Arts à Angers.

Mellier B., Rouillard T, Gantier F. et Pouit D., 2021. Au temps des faluns. Guide de la faune du Miocène d'Anjou-Touraine. Éditions des musées d'Angers, 172 pages.

Remerciements

Chaque année, la Fête de la Nature mobilise un grand nombre de membres de la SAGA. Nous remercions tous ceux qui ont conçu et préparé les animations, ceux qui ont fourni le matériel et les échantillons, ainsi que toutes celles et ceux qui ont d'une manière ou d'une autre participé à l'événement : Christine Auclair, Nicole Chandon, Annie Cornée, Jean-Louis Fromont, Michel Gastou, Yves Grimault. Jacky Juchet, Roland Mahérault, Jean-Pierre Malfay, Dimitri Pérès, Michel Pouyollon. Ils se sont tous beaucoup investis pour préparer et animer les ateliers et pour accueillir et renseigner le public.

L'équipe de la Fête de la Nature.