Cet exposé traite de la Terre comme machine thermique et des mouvements internes à l'origine des déplacements des plaques lithosphériques. Il fait suite à l'exposé sur la composition du manteau que Dominique Rossier a donné en décembre 2010.
Chacun sait que la température de la Terre augmente lorsqu'on s'enfonce à l'intérieur, en moyenne de 3 °C pour 100 mètres, du moins pour les profondeurs accessibles à l'homme. Quels phénomènes produisent cette chaleur ?
Globalement, ces sources de chaleur dégagent un flux moyen d'environ 80 mW/m2 à la surface de la Terre, valeur très faible par rapport à la chaleur reçue du Soleil. Ce flux est inégal et varie de 20 mW/m2 dans les zones froides à 400 mW/m2 dans les zones chaudes comme les dorsales océaniques.
Lorsqu'un solide ou un liquide est soumis à des écarts de température, la chaleur peut se propager selon deux modes possibles :
Pour un corps donné, soumis à un écart de température entre deux faces, on peut savoir quel mode de propagation, conduction ou convection est privilégié. La réponse dépend de la valeur du nombre de Rayleigh (Ra), nombre sans dimension qui fait intervenir l'écart de température, la distance entre les deux faces et plusieurs propriétés du matériau, notamment sa viscosité, son coefficient de dilatation et sa diffusivité thermique. Il y a convection lorsque Ra est supérieur à une valeur critique de l'ordre de 2 000.
Les géophysiciens estiment que la valeur moyenne du nombre Ra pour le manteau (constitué essentiellement de péridotite) est entre 106 et 108, valeur très supérieure à la valeur critique. La propagation de la chaleur au sein du manteau doit donc se faire par convection et non par conduction. Ce résultat est contraire à l'hypothèse qu'avait faite Lord Kelvin au milieu du XIXe siècle (en appliquant la loi de la propagation de la chaleur par conduction, il avait estimé l'âge de la Terre à 100 Ma à partir de son temps de refroidissement).
Depuis plus d'un siècle les géophysiciens utilisent des sismographes pour enregistrer la propagation des ondes dans la Terre :
Les vitesses de propagation sont fonction des propriétés physiques des milieux traversés, densité et élasticité. Il résulte de cette relation qu'une diminution de vitesse des ondes sismiques indique une augmentation de température, et inversement.
De nos jours, les sismographes sont très précis et il en existe un grand nombre à la surface de la Terre, ce qui permet de récolter beaucoup de mesures lorsqu'une secousse sismique se produit. A partir de ces mesures, on peut reconstituer par calcul les propriétés des milieux traversés par les ondes à l'intérieur de la Terre.
Cette technique, la tomographie sismique, est en quelque sorte pour la géophysique l'équivalent de l'imagerie médicale. Elle permet notamment de connaître les écarts de température par rapport à la moyenne dans des espaces situés à plusieurs centaines de kilomètres à l'intérieur de la Terre, pratiquement jusqu'à la frontière avec le noyau. On peut ainsi dessiner des coupes et des cartes à différentes profondeurs en y indiquant la température. Ces représentations utilisent un code couleur universel : bleu, vert, jaune, rouge lorsque l'on passe du plus froid au plus chaud.
Un résultat particulièrement spectaculaire de la tomographie sismique est la visualisation des zones froides de subduction de la lithosphère océanique sous la lithosphère continentale. Certaines de ces plaques qui plongent dans le manteau sont même visibles jusqu'à la surface D" avec le noyau.
En revanche, les dorsales océaniques ne semblent pas être alimentées par des flux de matière venant du manteau profond. En conséquence, on pense actuellement que les plaques océaniques sont tirées par la subduction et non poussées par la matière venant des dorsales.
La tomographie sismique est un outil très puissant pour connaître l'intérieur de la Terre. Cependant, plusieurs questions restent en suspens comme celle de l'alimentation des points chauds.
Le modèle standard fait intervenir des panaches de magma ancrés à la surface manteau/noyau et remontant jusqu'à
la surface de la Terre où ils donnent naissance aux volcans de type point chaud (exemples Hawaï ou Açores). Ces panaches auraient quelques centaines de kilomètres
de diamètre à la base et une température de 300 °C au-dessus de la moyenne du manteau. Or, ces panaches ne sont pas visibles sur les cartes
obtenues par tomographie. Il est possible que la résolution des cartes actuelles soit insuffisante et que les panaches apparaissent
lorsqu'elle sera meilleure. Toutefois, on peut signaler qu'un certain nombre de géophysiciens pensent que le modèle standard est trop
simplifié et le remettent en cause.
Bibliographie
Les flux de chaleur à travers la croûte terrestre Source : D'après J.P. Montagner La Terre, une gigantesque machine thermique CNRS et MNHN éditions, 2002 |
Anomalies des vitesses des ondes de cisaillement à 100 km de profondeur Les triangles indiquent les points chauds Source : D'après J.P. Montagner La Terre, une gigantesque machine thermique CNRS et MNHN éditions, 2002 |
Coupe tomographique traversant les Andes jusqu'à la base du manteau Source : P. Thomas La convection, moteur du manteau Dossier Pour la Science n° 67 |
Modèle standard du panache des points chauds Source : J.P. Montagner Panaches chauds : mythe ou réalité ? Dossier Pour la Science n° 67 |