L'ouverture de l'océan Atlantique

Sylvain Blais

Sylvain Blais, ancien maître de conférences de l'Université Rennes 1, est un spécialiste des roches volcaniques. En dehors de ses articles scientifiques, on lui doit plusieurs livres de vulgarisation très appréciés des géologues amateurs, par exemple, Curiosités géologiques du Pays bigouden ou Curiosités géologiques de la Polynésie française (éditions du BRGM). La conférence qu'il donne aujourd'hui à la Commission Volcanisme est en deux parties : la première est consacrée au Volcanisme de la pointe de la Heussaye - Erquy et fera l'objet d'un article dans un prochain numéro de Saga Information, la seconde traite de L'ouverture de l'océan Atlantique. Le présent compte rendu porte sur cette seconde partie et nous fait notamment découvrir la notion de marge passive volcanique.



Carte mondiale des marges océaniques passives et actives
Source : Pomerol et al., 2005

Introduction

A l'échelle du globe terrestre, il existe deux grands types de marges (passage continent - océan) :



L'Islande et la province magmatique Nord
Source : Brahic et al., 2006

Cet ensemble est connu sous le nom de volcanisme de la "province thuléenne" et s'est mis en place il y a environ 60 Ma sur les marges continentales du futur Atlantique Nord, suite à l'activité d'un énorme panache, actuellement localisé sous l'Islande.

Le volume de ce volcanisme est estimé à environ 6 millions de km3 (la France recouverte d'une épaisseur de 11 km de basalte).

Bien que principalement immergé à l'heure actuelle, il est surtout composé de coulées basaltiques aériennes.

Irlande

C'est en Irlande du Nord, dans la province d'Antrim, que se trouvent les affleurements les plus spectaculaires. Les plus visités sont ceux de la "Chaussée des Géants - Giant's Causeway" à proximité de la ville de Bushmills connue pour sa distillerie de whisky.

Les coulées de lave les plus facilement accessibles se localisent sur environ 2 km entre Portnaboe (The Cow's Port) à l'Ouest et la pointe Port Reostan à l'Est. La photo 1 montre une vue générale de cette côte escarpée. La photo 2 correspond à la baie localisée à l'ouest du site, baie de Portnaboe (The Cow's Port). Le site de la Chaussée des Géants (photo 3), est très visité et de nombreuses personnes escaladent les prismes basaltiques. La baie à l'Est (Port Noffer, photo 4) est limitée par une pointe, Port Reostan, où les coulées basaltiques, séparées par des niveaux scoriacés rougeâtres, livrent un pendage de quelques degrés vers le Sud.



Vue générale de la côte
Photo 1


Baie de Portnaboe
Photo 2


La Chaussée des Géants
Photo 3


Port Noffer
Photo 4
La côte irlandaise entre Portnaboe et Port Noffer

La prismation des coulées basaltiques, sur le site même de la Chaussée des Géants, est particulièrement spectaculaire et pédagogique (Photos 5, 6 et 7). L'orgue ("The Organ", photo 8) montre bien la partie basale de la coulée, parfaitement prismée (la vraie colonnade) alors que la partie sommitale, aux prismes irréguliers et de taille moindre (la fausse colonnade) correspond à un refroidissement, au contact de l'air libre, plus rapide que la partie inférieure.



Photo 5


Photo 6


Photo 7


Photo 8
Prismation des coulées basaltiques de la Chaussée des Géants (Irlande)

Ecosse

Au cours de cet exposé, un seul affleurement écossais a été discuté, celui de l'île de Staffa (photos 9 et 10). La prismation de cette coulée aérienne est parfaite, pentée légèrement vers l'Est, avec, à la base, une vraie colonnade reposant sur des brèches et scories, et une fausse colonnade sommitale. Le contact entre ces deux unités de la même coulée est parfaitement parallèle à la base de la formation.

Une anfractuosité dans la coulée (photo 10) est connue sous le nom de "grotte de Fingal" ("Fingal's cave") et a été rendue célèbre par Felix Mendelssohn qui, en 1829, a composé "Hebrides ouverture opus 26 = Fingal's cave ouverture", puis, en 1832, par Joseph Turner qui peignit ce site.

Pour être complet sur cette partie écossaise, il faudrait aller visiter les sites de Mull et Skye où affleurent des roches magmatiques, plutoniques et volcaniques, associées à cette ouverture.



Photo 9


Photo 10
Prismations à l'Ile de Staffa (Ecosse)

Groenland

Entre 70 et 60 Ma, le Groenland se trouvait au dessus du centre du panache, ancêtre du panache islandais actuel. On rencontre sur sa côte ouest 90 000 km3 de basaltes émergés dont 22 000 km3 de "picrites" (basaltes très riches en olivines photo) formées environ à 1 500° C.



Schéma interprétatif du magmatisme d'une
marge continentale passive volcanique

Source : Brahic et al., 2006

L'essentiel de la péninsule de Svartenhuk (71° N), région totalement désertique et aux reliefs difficilement accessibles, est constitué de coulées basaltiques formant un empilement de plus de 4 km d'épaisseur (photo 11), souvent recoupées par des dykes, associées à des coulées très riches en olivine, connues sous le nom de picrites (photo 12), à des brèches hyaloclastiques, brèches sous marines à matrice palagonitique, des pillow-lavas (photo 13) ainsi que des dômes de trachytes plus récents (photo 14).

La géométrie de cet ensemble correspond à une marge passive volcanique formée par le panache mantellique, recouvrant cette marge d'épaisses coulées basaltiques.

Les données de terrain révèlent que les laves présentent un pendage vers l'océan ; cet ensemble complexe est connu sous le nom de SDR (Seaward Dipping Reflectors).

Dans cette partie septentrionale de l'Atlantique (Groenland, Islande, Irlande, Ecosse), une activité magmatique importante a précédé largement l'océanisation, ce qui s'oppose aux marges passives de divergence où il n'y pas d'intervention du magmatisme dû à la présence d'un point chaud.



Empilement de coulées basaltiques
et dykes de la région de Svartenhuk

Photo 11


Affleurement de picrite montrant
les olivines fraiches plurimillimétriques

Photo 12


Pillow lavas
Photo 13


Dôme trachytique
Photo 14
Péninsule de Svartenhuk (Groenland)

L'heure avance et Sylvain Blais doit mettre fin à son exposé ; les auditeurs ont été sensibles à son enthousiasme et ont apprécié la clarté de son exposé. Ils le remercient très chaleureusement et espèrent le revoir prochainement pour une autre conférence sur la Bretagne ou le volcanisme, des thèmes qui le passionnent véritablement.

Crédit photos : Sylvain Blais

Rédaction du texte : Sylvain Blais et René Maury

Bibliographie