Danielle Piaud est membre de la commission Volcanisme et suit une formation au Conservatoire National des Arts et Métiers. Elle a été amenée à étudier le phénomène de thermoluminescence et ses applications à la géologie à partir de l'article Nouveaux éléments de chronologie du volcanisme Pléistocène du bas Vivarais (Ardèche) par thermoluminescence, de Gilles Guérin (CEA Saclay) et Pierre-Yves Gillot (Université Paris-Sud-Orsay), revue ScienceDirect (octobre 2006). L'exposé qu'elle a présenté en février 2011 à la SAGA est une présentation simplifiée de cet article.
On attribue sa découverte à un alchimiste italien du XVIIe siècle, Vincenzo Cascariolo, qui observe que des nodules de barite émettent de la lumière lorsqu'on les chauffe.
La thermoluminescence (abréviation TL) est un phénomène physique qui se traduit par la propriété qu'ont certains cristaux d'émettre de la lumière lorsqu'on les chauffe, à condition qu'ils aient été au préalable soumis à une irradiation naturelle ou artificielle.
La luminescence ne se produit que si le chauffage a été précédé d'une irradiation due à des rayonnements ionisants, par exemple l'exposition à la radioactivité naturelle pendant des milliers d'années. Le phénomène n'a été expliqué qu'au XXe siècle et fait appel à la physique du solide. On peut en simplifiant le résumer de la manière suivante :
Dans la nature, les principales sources de radioactivité auxquelles sont exposées les roches sont le thorium 232Th, l'uranium 238U et le potassium 40K. Ces isotopes ont des périodes (demi temps de vie) très longues, respectivement 14, 4,5 et 1,3 milliards d'années. On doit y ajouter le rayonnement cosmique dont l'effet dépend de la latitude, de l'altitude et de la profondeur de la roche. Les minéraux usuels les plus sensibles au phénomène sont le quartz, la calcite, les feldspaths, le zircon.
Le principe de la technique consiste à chauffer un minéral sensible au phénomène à une température élevée (de l'ordre de plusieurs centaines de degrés) et à mesurer l'intensité lumineuse qu'il libère. Celle-ci est une fonction croissante de la paléodose : énergie accumulée par irradiation pendant le temps T écoulé entre le moment de la mesure et le moment où le minéral a été soumis pour la dernière à fois avant la mesure à une température élevée. Il y a remise à zéro de la paléodose chaque fois que le minéral est chauffé à une forte température.
Si on suppose que pendant le laps de temps T le minéral a été exposé à une radiation constante, la durée T est égale à la paléodose divisée par la dose annuelle. Les doses d'irradiation s'expriment en gray (Gy). 1 gray correspond à une énergie de 1 Joule par kilogramme de matière et est égal à 100 rad (le rad Radiation Absorbed Dose était l'ancienne unité).
La détermination du temps T nécessite donc la connaissance de la paléodose et celle de la dose annuelle :
Le principe de la TL a d'abord été utilisé en archéologie pour dater les objets en poterie ou céramique. La mesure de la paléodose de l'argile cumulée à partir de la cuisson permet d'en déterminer l'âge. La technique a ensuite été utilisée en géologie. Par exemple, pour une lave qui n'a pas subi des transformations physico-chimiques particulières après son émission, la paléodose correspond à l'irradiation depuis l'éruption volcanique qui lui a donné naissance et le temps mesuré est donc l'âge de la roche.
Le bas Vivarais est l'une des régions volcaniques du Massif central située en Ardèche, à quelques kilomètres des sources de la Loire. Les laves sont des basaltes alcalins et signent un volcanisme de type intracontinental. Elles ont quelques dizaines / centaines de milliers d'années et leur âge ne peut être évalué avec les méthodes de radiochronologie classiques : trop vieux pour une évaluation avec le 14C et trop jeune pour le 40K. En revanche, il correspond à la fourchette accessible par la technique de la thermoluminescence.
L'échantillonnage utilisé par Gilles Guérin et Pierre-Yves Gillot a été choisi de manière à ce que les différentes phases du volcanisme de la région soient représentées.
Pour la plupart des échantillons, la détermination a été effectuée à partir de microcristaux de plagioclase :
Certains échantillons contenaient une proportion importante de xénolites, ce qui empêchait la séparation des plagioclases. Dans ce cas, le minéral utilisé pour la détermination était le quartz et le protocole était différent.
Les paléodoses mesurées étaient de l'ordre de quelques centaines de Gy et les doses annuelles de l'ordre de quelques mGy.
Cette expérimentation a permis de distinguer dans la région trois épisodes volcaniques nettement différenciés et a confirmé les
études paléomagnétiques existantes.
Age (ans) | Précision (ans) | Type de datation |
---|---|---|
45 400 | ± 3 200 | TL quartz |
78 800 | ± 5 300 | TL plagioclase |
166 000 | ± 15 000 | TL plagioclase |
En conclusion, on peut souligner que la technique de la thermoluminescence est particulièrement adaptée aux datations du Pléistocène et plus précisément à la période 3 000 - 3000 000 ans.